Chers et chères lectrices et lecteurs curieuses et curieux, navigateurs et navigatrices du web et de la web, amatrices et amateurs des lettres et des lettres, bonjour et bonjoure à toutes et à tous.
Nul n’osera nier l’importance du langage inclusif et politiquement correct, c’est notre combat commun. Mais le système actuel qui consiste à répéter deux fois le même mot ↑ est trop lourd. De doubles constructions illisibles et imprononçables étudiant-e-s genevois•e•s invité/e/s et enseignant(e)s convié·e·s
sont une torture pour les yeux et pour la langue.
L’idée des doublets de genre n’est guère nouvelle. Il y a 100+ ans, les communistes en URSS ont déjà pratiqué cette forme d’adresse.
Travailleurs et travailleuses, ouvriers et ouvrières
— lisez ou écoutez le début de n’importe quel discours de Staline ou de Molotov (▶️ ici, par exemple). Vers les années 1950 les communistes ont abandonné ce système des doublets jugé lourd et inutile, mais il a tout de même existé une bonne trentaine d’année.
Oui, notre système des doublets doit être allégé. D’où ma proposition de supprimer les doublets tout en restant moderne et politiquement correct. Je propose de procéder par deux étapes:
Étape 1. Remplacer le masculin par le féminin pour les noms génériques et le pluriel mixte.
Effectivement, pourquoi c’est toujours le masculin pour les génériques et le pluriel?
Chères clientes, toutes nos collaboratrices sont en ligne.
— ce serait deux fois plus court et dix fois plus raisonnable que l’actuel Chères clientes, chers clients, toutes nos collaboratrices et tous nos collaborateurs...
. Au début, ça va gêner pendant une semaine ou deux, mais on s’habituera vite à Les Bronzées
et Les Épouses Arnolfini
.
Et on va réécrire les textes obsolètes ↓
«Les Représentantes du peuple français […] considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de
l’Hommela Femme sont les seules causes des malheurs publics […], ont résolu d’exposer […] les droits naturels, inaliénables et sacrés del’Hommela Femme, afin que cette Déclaration, constamment présente à toutes les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif […] en soient plus respectés; afin que les réclamations des Citoyennes […] tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur de toutes.»
— Déclaration des Droits del’Hommela Femme etdu Citoyende la Citoyenne.
Concrètement, j’ai déjà commencé à populariser ce langage centré autour du féminin et je peux vous dire ça marche très bien! Voici ce que ça donne avec un texte de tous les jours. C’est lisible et surtout c’est équitable.
C’est nettement meilleur que les doublets client-cliente
éternels. La cliente.
— point, et ça suffit pour les deux genres. Que les hommes s’adaptent maintenant! C’est notre tour de faire l’effort.
Doublets supprimés → moins d’encre pour imprimer → plus d’arbres! La planète nous dira merci.
Doublets supprimés → moins d’usure de claviers → moins de déchets! La planète sera contente.
Si tout le monde me suit, ce sera un énorme pas vers le progrès! Mais… tempora mutantur et l’Étape 1 risque de ne pas suffire d’ici peu. D’où la nécessité d’être prévoyant et penser d’ores et déjà à l’Étape 2:
Étape 2. N’avoir qu’un seul genre.
Les langues n’ayant pas de genre grammatical sont très progressistes. Par exemple, le persan (fārsi) ne connaît pas le genre grammatical, même les pronoms il
ou elle
n’existent pas: Il l'aime, mais elle ne l'aime pas
se dit en persan comme Ceci aime ceci, mais ceci n'aime pas ceci.
C’est très équitable et égalitaire. Non seulement le système persan est gender-neutre, mais aussi est-il non-binaire (!!) parce que sous ceci
on peut entendre un nombre illimité des genres, pas que les hommes et les femmes — quel primitivisme!
C’est bien, mais à quoi ça sert réellement? Quel lien entre une langue politiquement correcte et la vie réelle? Une langue sans genre, répercute-elle dans le respect des droits de tous les genres qui parlent cette langue correcte? Mais oui! Le lien est direct. Il suffit de voir (et admirer) comment la langue persane politiquement correcte fait un pays correct, comment les droits de tous les genres sont respectés dans les pays persophones: Afghanistan, Iran et Tajikistan. Ça marche, mes amis!
Rien n’empêche au français de suivre cette voie démocratique et égalitaire. Supprimons un des deux genres, ben… le masculin bien sûr. Quelle facilité, surtout pour les étrangers! Tout sera en un seul genre: Ma père a mangée une gâteaue à la sucre, ceci avait faim.
Inhabituel maintenant, j’avoue, mais tout naturel demain.
Et on lira, en toute neutralité: «Les Représentantes de la peuple française […] considérant que l’ignorance, l’oublie ou la méprise des droites de la Femme sont les seules causes des malheurs* publics* […], ont résolu d’exposer […] les droites naturelles, inaliénables et sacrées de la Femme, afin que cette Déclaration, constamment présente à toutes les Membres de la corpse sociale, leur rappelle sans cesse leures droites et leures devoires; afin que les actes de la pouvoire législative, et celles de la pouvoire exécutive […] en soient plus respectées; afin que les réclamations des Citoyennes […] tournent toujours à la maintienne de la Constitution, et à la bonheure de toutes.»
*Malheur (m.)
doit rester au masculin. Ce sera une exception.— Déclaration des Droites de la Femme et de la Citoyenne.
Pas évident, mais réalisable. Pénible au début, mais inévitable à terme. Soyons prêts: l’Étape 2 sera nettement plus difficile à mettre en œuvre que l’Étape 1. Nos livres, nos lettres, nos conversations de tous les jours, nos prières, même la Bible elle-même — tout devra être réécrit et redit au féminin. Mais onne va y arriver. N’ayons pas peure, ça vaut la coupe.
Aux armes citoyennes!