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33 minutes pour faire marche arrière

Colère 80 LVL! Au garage, on m’a donné une voiture de remplacement. Le dernier cri, 300 km au compteur, toutes les options imaginables que l’humanité a inventées. Toutes.

J’ai eu de la peine à rentrer. Deux pédales, comme un kart de gosses. Je ne décidais de rien, j’obéissais à ce que la voiture voulait, elle. Presque pas d’interface: à la place d’une rangée d’interrupteurs, il y avait un joystick, un écran qui cachait la moitié du pare-brise et des menus comme le labyrinthe du Minotaure — hmmm… chipoter dans le menu doit être très responsable à 120 à l’heure. “Via secura”, quoi.

La voiture me donnait des conseils idiots, elle changeait arbitrairement de mode de conduite et même la chose la plus sacrée qui est la sensibilité des freins. Éteindre les phares? Non, c’est seulement à l’arrêt. Supprimer les banalités affichées sur le pare-brise? No way. Tu as chaud? Tant pis, la clim se cache dans un menu à plusieurs niveaux, aussi compliqué que le Talmud de Babylone. Si j’avais réglé la clim, je serais rentré dans un mur et… je me refroidirais tout naturellement par la suite. Conduire en regardant la route en toute sécurité? Oubliez, cette option n’est pas prévue, c’est le menu qu’il faut consulter, pas la route.

Près de la maison, c’était un désastre: les caméras considéraient les petites plantes couvre-sol comme “un obstacle” et ne me permettaient pas de reculer: la voiture émettait un signal sonore et coupait arbitrairement le moteur. Il y avait une barrière de chantier à un demi-mètre devant, et la voiture ne m’a pas permis de m’en approcher: beep-beep et le moteur était coupé. Bloqué. Je n’ai pas réussi à éteindre les caméras dans ce menu à 20 étages. J’avançais et reculais centimètre par centimètre en redémarrant cette bestiole 60 fois: il m’a fallu 33 minutes pour faire marche arrière.

Finalement, j’ai récupéré ma voiture normale. Quel plaisir! Quel triomphe du bon sens! A la place du tachymètre je voyais le tachymètre, pas une photo du chanteur. J’avais froid et je tournais la manette sans quitter la route des yeux. Les phares? La manette est là, les yeux sur la route. Chauffer le siège? Rien de plus simple: j’appuie sur le bouton sans le regarder, mes yeux sont toujours sur la route. Ma main est sur le levier de vitesses: je contrôle la transmission et la voiture. Vous n’allez pas croire, mais il y avait un frein à main! Ô, mon Dieu, j’avais des larmes aux yeux.

J’ai demandé à la collaboratrice du garage: «Montrez-moi la version actuelle de ma voiture: propulsion, boîte manuelle, un vrai break et pas un demi-hatchback, diesel, interface naturelle».

«Est-ce une blague?», elle n’a pas compris.

«Non, Madame, c’est le standard de l’industrie automobile, le grand classique».

Elle n’a pas répondu. Elle a ri.

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