Le quotidien d’une société à deux rangs de citoyens se présente ainsi.
À l’Établissement français du sang
20, avenue du Stade de France, 93218 La Plaine Saint-Denis
Copie: M. Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé
Madame, Monsieur,
Je donne mon sang depuis 20 ans dont 9 dernières années en France. L’EFS m’invite et je viens. Quand je peux, je viens. Je… venais. Parce que cette fois-ci je ne viendrai pas. Je suis en bonne santé, je peux donner, je veux donner, j’ai le temps, mais je ne me présenterai pas.
Je ne suis pas vacciné. Dans votre convocation, vous mettez noir sur blanc que “le pass sanitaire n’est pas nécessaire“, mais justement cette précision est la raison pour laquelle je ne viendrai pas. Aujourd’hui, en France, je suis privé d’une bonne partie de mes droits: je ne peux pas boire un verre au café ou prendre un TGV; mes enfants ont été mis dehors de l’école de tennis sans remboursement, etc. etc… Le gouvernement m’exclut de tout. Sans le passe sanitaire, je suis un vrai homme de second rang et… je commence à m’habituer à ce rôle d'”intouchable” au XXI-ème siècle, en Europe.
Mais le jour où on a besoin de moi tout change: les barrières tombent miraculeusement et l’exigence du passe sanitaire mystérieusement disparaît pour trois quarts d’heure qui dure la prise de sang. Les non-vaccinés sont “les bienvenus” — donc du coup, je peux devenir “normal”: on me laisserait entrer, on me traiterait d’égal, comme avant. J’aurais droit à 45 minutes de respect et de dignité.
Je ne comprends pas. Si la situation sanitaire est tellement dramatique, comment est-il possible d’intégrer un non-vacciné, le laisser venir à l’intérieur d’une salle? Prendre son sang? Est-ce responsable? Est-ce acceptable?
Mais si c’est acceptable, alors la situation sanitaire n’est probablement pas si dramatique que ça? Dans ce cas-là, pourquoi ce passe sanitaire discriminatoire, pourquoi ces mesures anti-démocratiques qui privent 20,5 millions des Français (qui ont tout simplement choisi de ne pas se faire vacciner) de leurs droits fondamentaux et naturels?
Donner son sang, c’est avant tout un acte de fraternité qui est une des grandes valeurs de la République. La fraternité, la solidarité, la compréhension, le respect doivent aller dans les deux sens, dans tous les sens. Pour tous, à tout moment, sans exception ni condition, sans parenthèses ni astérisques. Et pas du tout comme c’est fait aujourd’hui en France.
L’État a décidé que la place des non-vaccinés est dans la rue — eh ben, j’y reste alors. Mais le manque de 480 ml de sang aujourd’hui sera entièrement sur la conscience de ceux qui ont pris cette décision de diviser les gens en “purs” et “impurs”, avec un bout de papier et sans. Le jour où l’État me restitue tous mes droits civils, je serai le premier à frapper à la porte du bus médical EFS pour recommencer à donner mon sang — en toute dignité, en homme libre, respectueux et respecté en même temps.
Mais pas en tant que paria.
Je vous souhaite un bon déroulement de la collecte,
Et, j’espère, à bientôt.
André Kobzar